C.Delmas
Même si nous avons en Orthophonie de
nombreuses théories et des outils qui soutiennent notre travail, la Gestion Mentale nous permet d'adapter ces connaissances à chacun, puisqu'elle offre une description de la pensée au travail et de la mécanique mentale de chacun. Comme la Gestion Mentale s'intéresse à nos chemins de pensée et à nos stratégies mentales, elle va pouvoir être utile dans toutes les activités mentales d'apprentissage, d'attention, de réflexion, de compréhension ou d'imagination.
LE DIALOGUE PEDAGOGIQUE permet d'analyser avec le sujet ses procédures mentales,
dont il prend conscience au fil du dialogue. On peut ensuite le guider afin de l'aider à progresser, à mettre au point des procédures plus efficaces ou à améliorer ses propres stratégies, à travers des mises en situation.
Ce qui va nous intéresser ? Ce n'est pas tant le résultat obtenu que le chemin de pensée
et les moyens utilisés pour y
parvenir : comment est-on arrivé à ce résultat ?
En évoquant des images de réalité, des codes symboliques, en créant des liens logiques,
des liens inédits, en se racontant une histoire, en commentant, par des mots, des images
précises, etc...?
Comment aider nos patients ?
Avec des patients
dysphasiques, il sera
possible de passer par
le canal visuel si
important pour eux et
notamment par le codage
écrit, et d'utiliser toutes les
méthodes visuelles et
gestuelles que nous
connaissons en les
entraînant à évoquer
visuellement pour se parler ou
réentendre produire des sons
et mots dans le prolongement
de leurs évocations.
Vous trouverez des
informations plus détaillées en
cliquant ICI ( article sur
l'apport de la GM dans la PEC
des dysphasiques)
En rééducation logico-
mathématique , la Gestion
Mentale est un outil qui
enrichit les méthodes comme
le GEPALM, car on va pouvoir
montrer à l'enfant qu'il peut se
détacher du perçu pour
évoquer et faire exister dans
sa tête les notions, les figures
On va lui apporter l'aide
fantastique du MIND MAP afin
de mieux comprendre et
mémoriser; on va l'aider
à construire les liens logiques
en évocation mentale à partir
de ses propres stratégies
mentales.Tout cela lui
permettra d'accéder à
l'abstraction.
Pour les troubles
articulatoires, de la
déglutition, les apraxies :
on entraînera à
l'évocation des schèmes
articulatoires en images,
mots, gestes avec le
projet d'anticiper leur
réalisation concrète en
situation de répétition, expression, définition, etc...
Dans la prise en charge du LANGAGE ECRIT, il s'agira de construire des évocations suivies de mémorisation des sons en fiches imagées et colorées, en séparant les sons confondus, en évoquant
les gestes graphiques, les textes; on pourra évoquer les relations complexes dans la phrase pour la compréhension, mais aussi les mots à écrire.
Face à un enfant qui évoque peu les mots écrits, par exemple, on
va pouvoir l'aider à comprendre comment faire exister mentalement ces mots, s'il est plutôt visuel et évoque essentiellement des images de réalité, en lui montrant que cela ne suffit pas pour apprendre le mot écrit : il faudra passer en paramètre 2 (voir l'article " les grands principes de la gestion mentale ICI ) c'est à dire évoquer également le code. Une erreur très répandue consiste à demander aux dyslexiques en échec en orthographe d'usage de mémoriser directement le code symbolique ( le mot écrit) alors que bien souvent il a besoin de passer d'abord par son paramètre 1, c'est à dire d'évoquer l'image de réalité. Ce travail de passage du P1 au P2 constituera alors pour lui un progrès considérable dans sa gestion de l'écrit.
Pour nos prises en charges neurologiques :
Nous pouvons proposer à nos patients
aphasiques de construire des évocations
mentales de mots, images, codes symboliques
en utilisant les canaux encore efficaces qui
correspondent et dans les stratégies mentales
les plus faciles pour ces patients; il est possible
par exemple de permettre à un patient de
compenser son manque du mot par l'évocation
mentale du mot écrit qui sera ensuite lu
mentalement , si sa lecture est préservée...
Nous pouvons aussi grâce à la Gestion Mentale
aider nos patients Alzheimer à continuer à
évoquer systématiquement leurs gestes, leurs
projets, etc...car cet aspec évocatif est celui
qu'ils vont perdre en fin de parcours.
De même, pour tous les troubles de
l'attention et de la mémorisation, le travail
évocatif des consignes, l'anticipation de la
restitution d'une ou plusieurs informations, les
aides par des schémas heuristiques, vont nous
apporter une aide intéressante.
Si notre patient a besoin d'appliquer pour
comprendre, nous pouvons lui proposer des
méthodes, jeux, exercices, supports, qui le lui
permettent ;
si au contraire il aime les explications, on fera
en sorte qu'il puisse reformuler avec ses
propres mots ce qu'il a compris.
S'il fonctionne par induction on lui proposera
d'abord des exercices , des exemples, avant de
lui donner la règle; mais s'il est plutôt déductif, il faudra lui donner la règle à comprendre et
mémoriser avant tout exercice.
Les plus auditifs et les verbaux seront plus à
l'aise avec des éléments présentés dans l'ordre
chronologique, alors que les plus visuels prèféreront une présentation globale dans laquelle ils pourront zoomer à loisir...
Ce ne sont que quelques exemples pour montrer que, dans nos prises en charges, la Gestion Mentale
est utile. C'est un outil fantastique qui peut nous permettre d'aider un patient enfant ou adulte en lui
permettant de devenir acteur de ses stratégies d'apprentissage.
Les techniques orthophoniques bénéficient de cet apport puisque le patient connaît mieux
son fonctionnement et s'approprie progressivement les gestes mentaux. Et le patient nous fait progresser aussi dans notre compréhension et notre connaissance de l'Autre et de nous même.
C'est un outil d'humilité, car on ne peut jamais dire que l'on sait à coup sûr comment aider l'Autre à priori, il n'y a pas de méthode unique, il faut l'aider à trouver ses chemins mentaux , il faut les découvrir avec lui , par lui et à travers lui , et en reconnaître les richesses pour pouvoir l'aider.